Gimhae me reconnaît.
J’y marche comme un homme qui retourne sur les lieux du crime. Mes yeux cherchent ce logo orange.
T’way ma malédiction préférée.

Je pénètre dans l’aéroport comme on rentre chez une ex qu’on a juré d’oublier.
L’air sent le désinfectant, les bagages roulent, et moi je sais déjà que je vais replonger.

Je passe le scanner et je me dis que même ici, dans cet endroit aseptisé, je suis en train de penser à elle. À son fuselage cabossé.
En attendant, ma grosse canette passe la sécu sans aucun problème 🤣

Les annonces résonnent. “T’way Air flight 972 to Seoul now boarding.” Ma respiration s’accélère. C’est maladif.
Je l’aperçois sur le tarmac. Elle brille un peu, mais je sais que c’est du faux. Elle joue encore avec la lumière pour me séduire.

Les gens sortent leur téléphone, moi je sors mes émotions. Je la regarde comme on regarde un corps qu’on a trop exploré.
Son nez est sale, ses ailes ternes. C’est exactement comme je l’aime : imparfaite, usée, vraie.

Le plafond grince, la cabine gémit. Elle respire encore, ma vieille amante d’aluminium.

Je retrouve mon siège 7F, près du hublot. Le plastique est fissuré, le rembourrage fatigué. Je glisse ma main dessus, comme sur une cicatrice familière.

7F. Je m’assois, le cuir colle un peu. Ça sent le mélange de désodorisant et de désespoir. L’odeur du foyer.
Vue sur ma grosse boisson entre mes jambes. Ca touche un peu car elle est un peu mouillée. Ca devrait aller le temps du vol mais esperons que mon pantalon ne finisse pas trempé.
Bref le pitch est catastrophique

Le taxiway défile. Les autres la jugent. Moi, je la trouve parfaite dans sa misère.

Je chuchote : “vas-y doucement… montre-leur que t’as encore un peu de fierté.”

Elle bouge comme une bête blessée. Je la sens lutter, et ça m’excite un peu.

Elle avance en toussant. J’entends les joints, les tremblements. Chaque vibration est une caresse violente.

Elle s’élance avec la force du désespoir. Ça vibre, ça crie, ça gronde. C’est notre façon de s’aimer : bruyante, maladroite, incontrôlée.

Quand elle quitte le sol, j’ai ce vide dans le ventre. C’est le manque, la dépendance. Elle m’arrache au sol et je l’aime pour ça.

Je colle ma tête au hublot, je ferme les yeux. Elle me transporte, littéralement et émotionnellement.

Je l’écoute respirer. Le moteur ronronne, les passagers dorment. Moi je reste éveillé, à savourer chaque vibration du fuselage.
Je sirote ma Monster, elle m’ignore. Elle vole pour tout le monde, mais je fais semblant qu’elle vole juste pour moi.

Je sens les moteurs ralentir, l’air devenir plus dense. Elle redescend, moi aussi.

Elle entame sa descente sans prévenir. C’est brutal, sec, presque vexant. Une vraie T’way.

Elle me laisse tomber avec cette nonchalance cruelle. J’ai presque envie de rire.

Les oreilles se bouchent, le cœur aussi. J’ai envie de lui dire d’attendre encore un peu.

Je regarde le hublot : lumière blanche, aile fatiguée.
C’est beau, d’une beauté triste, comme un amour qu’on ne devrait pas avoir.

Vue sur l'assemblée nationale

Elle freine, elle tremble, elle m’insulte en vibrations. Je lui rends son mépris en sourire.

Impact violent. J’entends les passagers souffler, moi je jouis intérieurement. Elle ne m’a pas raté.
Les pneus crissent, le fuselage hurle, je serre les dents. C’est notre fin habituelle : brutale mais sincère.
Elle freine, elle tremble, elle m’insulte en vibrations. Je lui rends son mépris en sourire.

Elle avance lentement, épuisée. Chaque mètre me fait mal. Elle s’éteint, je me vide.
Les moteurs diminuent, le bruit s’efface. C’est fini. Et j’ai déjà envie de la revoir.

Je regarde son aile une dernière fois. Les traces de pluie, les cicatrices du ciel. Ma beauté sale.

Amour vache! jolie déclaration. Merci pour ce report, photos & texte!